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Changement climatique et biodiversité : « Le, sorgho, une alternative aux cultures céréalières », selon Pr Yvonne Bonzi

Face au changement climatique et à l’érosion de la biodiversité, il faut « recourir au sorgho comme alternative aux traditionnelles cultures céréalières ». C’est l’une des solutions que préconise Pr Yvonne Bonzi, pour lutter contre les aléas climatiques et répondre ainsi à la problématique de la sécurité alimentaire. C’était lors de la conférence de presse de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) organisée ce jeudi 3 novembre 2022 à Ouagadougou, par visio conférence.

En octobre 2022, les températures étaient en moyenne 3,5 °C au-dessus de la normale dans l’hexagone, faisant de ce mois, la période la plus chaude jamais enregistré en France, selon Météo France. Face à cette situation et en préambule de la COP27 Climat et COP15 Biodiversité, cinq scientifiques de l’IRD en partenariat avec ceux du Burkina Faso et du Sénégal ont animé une conférence hybride. Ce, en vue de proposer des solutions concrètes d’adaptation basées sur la science, expérimentées au Sud et applicables au Nord. C’est dans cette vison qu’est choisi le thème « Faire face au changement climatique et à l’érosion de la biodiversité : les solutions sont aussi au Sud ». Et Pr Yvonne Bonzi, chimiste de formation, en a présenté quelques unes dont le recours au sorgho et la pratique agricole du Zaï. « Suite à la multiplication des épisodes de sécheresse, les fortes températures et la baisse de la pluviométrie survenue en Europe pendant l’été, l’effondrement des rendements agricoles a conduit les agriculteurs à explorer la diversification des cultures, comme voie d’adaptation afin de pérenniser leurs productions agricoles », a-t-elle introduit lors de son intervention.

La production du sorgho en France, a connu un bond de 27% entre 2019 et 2020

Avant d’ajouter que dans des régions agricoles comme la Loire ou les Vosges, les producteurs ont observé que le maïs cultivé pour l’alimentation animale présentait de réelles difficultés. Car cette céréale étant très gourmande en eau pour sa culture. Pendant ce temps, explique-telle, la production du sorgho en France, leader de la zone Union européenne a connu un bond de 27% entre 2019 et 2020. « Et pourquoi le sorgho originaire du Sahel en Afrique se retrouve être une production céréalière prisée pour l’alimentation animale durable », s’interroge, Pr Yvonne Bonzi. Question à laquelle, l’enseignante-chercheure et professeure à l’université Joseph Ki-Zerbo apporte elle-même des éléments de réponses. Selon Pr Yvonne Bonzi en effet, le sorgho, céréale aux multiples atouts s’est présenté sans attendre comme une belle alternative au maïs pour 8000 agriculteurs français. Cela pour être peu exigeant en eau, moins gourmand en fertilisant, et encore plus résistant aux fortes températures, aux maladies et ravageurs.

Confrontés depuis plusieurs siècles aux agressions climatiques, les populations du Sud ont développé des stratégies pour survivre et s’adapter. Certaines pratiques dites ancestrales permettent toujours aux communautés de préserver la biodiversité malgré l’intensification de l’impact du changement global. C’est l’histoire de Yacouba Sawadogo. un agriculteur burkinabè qui face à la baisse de la qualité du sol du fait de la sécheresse a revisité une vieille pratique agricole appelé ZaÏ. « Le Zaï permet de faire pousser des arbres ou cultures dans des fosses », souligne Pr Bonzi. Et grâce à cette méthode, le paysan chercheur, Yacouba Sawadogo a amélioré la technique pour réaliser une forêt de 40 hectares avec plus de 60 espèces d‘arbustes et d’arbres dans son village, a-t-elle rappelé. L’on le surnomme aujourd’hui pour son exploit, "l’homme qui a arrêté le désert". Ce qui lui a valu le prix de "Champions de la Terre 2020" du Programme des nations unies pour l’environnement. Une reconnaissance mondiale qui illustre l’action d’un homme ayant réussi tout seul une telle prouesse.

La présente conférence a été ouverte par Valérie Verdier, présidente directrice générale de l’IRD. Pour elle, c’est seulement ensemble (du nord au sud et de l’ouest à l’est) qu’ils pourront véritablement relever les défis qui s’imposent. « C’est là où notre interconnexion et notre responsabilité commune n’ont jamais été aussi forts. Car les problèmes que nous devons résoudre ici sont les mêmes là-bas et c’est ensemble que nous allons pouvoir les résoudre », at-elle mentionné. Pour ce faire, il s’avère essentiel de développer un partenariat scientifique basé sur la solidarité et la réciprocité, pour affronter ensemble les crises, estime Valérie Verdier. La science doit être au service des citoyens et éclairer du mieux possible les décideurs pour qu’ils prennent de bonnes résolutions, renchérit-elle.

À l’entendre, l’IRD s’est inscrit depuis maintenant 40 ans dans une démarche de recherche, de formation, d’expertise, de partage de savoir. Il s’agit de faire de la science et de l’innovation, un des premiers leviers du développement des pays du Sud. Plusieurs travaux de recherches en partenariat avec les chercheurs du sud ont déjà été effectués et d’autres sont en cours. Ce sont effet 60% de co-publication avec les chercheurs du sud qui ont vu le jour, grâce à l’IRD. Ce sont environ 35 bourses doctorales par an, ce depuis 20 ans. Mais aussi 400 mobilités croisées nord-sud, sud-nord et sud-sud.

« Les milieux économiques et financiers s’intéressent de plus en plus au sujets  environnementaux au regard de l’accélération du changement climatique », Thomas  Mélonio, directeur exécutif innovation, stratégie et recherche de l’AFD
« Les milieux économiques et financiers s’intéressent de plus en plus au sujets environnementaux au regard de l’accélération du changement climatique », Thomas Mélonio, directeur exécutif innovation, stratégie et recherche de l’AFD

Thomas Mélonio, directeur exécutif innovation, stratégie et recherche de l’AFD a lors de son intervention, fait cas de certains travaux de recherches réalisés au Vietnam, sur l’évolution du système électrique vietnamien. Mais également en Afrique du Sud, dans le domaine de la biodiversité. « Notre département de la recherche travaille avec des acteurs sud-africains pour mesurer l’impact des potentiels dégradations des fonctions éco-systémiques ou de l’érosion de la biodiversité sur l’économie de l’Afrique du Sud », a-t-il affirmé. Les résultats de ces recherches vont être présentés à la prochaine COP, indique Thomas Melonio. L’agriculture au Nord, produit 30% de gaz à effet de serre Sebastien Barot, chercheur en écologie a quant à lui, soutenu qu’il est impérieux de changer la pratique agricole exercée dans les pays du Nord. Ces pratiques explique-t-il, produisent 30% des gaz à effet de serre. Les systèmes agricoles au Nord contribuent à détruire la biodiversité notamment celle dont on a besoin pour la production des fruits et légumes. À l’entendre, il urge de transformer de façon radicale, les systèmes alimentaire et agricole dans le Nord. Comme alternative, l’écologue des sols, directeur de recherche, conseiller scientifique « biodiversité » de l’IRD propose l’une des solutions suivante. Planter des graminées de la savane africaine. Ces plantes présentent la particularité d’inhiber la nitrification et de rendre le cycle de l’azote plus efficace. Y recourir permet d’améliorer selon lui, l’action des engrais et d’en diminuer l’usage.

À l’issue de l’intervention du climatologue Benjamin Sultan, directeur de recherche, conseiller scientifique « changement climatique » de l’IRD, Flore Gubert elle, s’est focalisée sur les stratégies d’adaptation des ménages face aux aléas climatiques en l’occurrence la migration. Elle est économiste, directrice de recherche à l’IRD et vice-présidente au sein de la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH). Pour elle, il y a deux grandes perceptions de la migration. La première est celle vue comme une fuite face à une menace climatique ou un abandon définitif d’une région qui serait devenue inhospitalière. La seconde, est celle perçue comme une mobilité des pays pauvres vers les pays riches. Cependant, Flore Gubert pense que la migration peut s’inscrire dans une toute autre stratégie et être utilisée comme une stratégie proactive de résistance aux changements climatiques.

« Plus que la marque d’un abandon, la finalité de la migration peut bien au contraire être le maintien d’une petite agriculture familiale malgré ses contraintes en lui donnant les moyens techniques et financiers pour y arriver », a-t-elle montré. Flore Gubert illustre ses propos par l’exemple de la région de Niakhar au Sénégal. « La petite agriculture familiale qui prévaut dans cette région ne permet pas à tous les ménages d’être autosuffisants en céréale. Ce qui signifie que leur production annuelle ne permet pas de couvrir l’intégralité de leurs besoins », a-t-elle déclaré. Avant d’évoquer ceci : « les recherches menées après analyse notamment des mobilités saisonnières en provenance de Niakhar, ont révélé que le déficit céréalier était totalement résorbé grâce aux transferts d’argent et aux dons effectués par les migrants saisonniers ». Toute chose qui permet à ceux restés sur place d’acheter les céréales qui leur manquent. Cette rencontre est l’occasion pour les initiateurs, d’inverser le paradigme Nord-Sud et de rappeler l’impérative co-construction de solutions basées sur un modèle de partenariat équitable avec les pays du Sud. Cet agenda transformationnel (transformative science) nourrit les réflexions sur les notions de développement et de science de la durabilité pour un monde plus résilient face aux grandes crises planétaires.

Hamed NANEMA Lefaso.net

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